Quand j’entends le mot culture… : Marseille capitale culturelle 2013 ?

décembre 2005
En postulant pour être Capitale culturelle en 2013, la municipalité semble avoir trouvé le moyen de réaliser ses grandes ambitions culturelles. Ce qui cache mal, depuis dix ans, l'absence d'un véritable projet.

« C’est une politique de cathédrales. » De son« Pour moi, Marseille est aujourd’hui une ville de projets virtuels et de maquettes. » La formule est de Bernard Aubert, le directeur artistique de la Fiesta des Suds depuis sa fondation en 1992. Arrivé dans la cité phocéenne il y a une vingtaine d’années, il semble avoir connu le paradis : une période d’effervescence culturelle sans précédent dans la vie de la ville, initiée par Gaston Deferre dans ses dernières années et mise en oeuvre à grande échelle par Robert Vigouroux.

Aidé, à partir de 1989, d’un adjoint à la culture engagé et atypique, Christian Poitevin, alias le poète Julien Blaine, le chirurgien-maire offre en effet sous son mandat une orgie de lieux, d’événements et d’initiatives, tous domaines culturels confondus, à Marseille. Les friches fleurissent (la Belle de Mai en 1987, Lieux publics en 1990…), Marseille objectif danse et le Centre international de poésie éclosent, l’Espace Julien s’ouvre, six musées voient le jour, les collections sont sorties des caves et enrichies, les théâtres continuent de se multiplier, des musiciens locaux s’imposent nationalement et internationalement (I Am, Massalia Sound System, Jack de Marseille)… Une politique volontariste qui fait encore le bonheur des Marseillais et qui fait toujours rêver.

« Au niveau des arts plastiques, le contraste est tel avec aujourd’hui qu’on parle encore de la rétrospective Hopper, une exposition qui a eu lieu en 1989 ! », s’amuse Guy Robert, administrateur du théâtre de La Minoterie. Bernard Aubert aurait-il donc raison ? Marseille aurait-elle perdu toute ambition culturelle depuis la première élection de Jean-Claude Gaudin ? Pendant une « petite » dizaine d’années – si on fait abstraction des « Massalia », grandes parades festives dont la dernière édition a réuni peu de monde – ce fut effectivement le cas : le vice-président de l’UMP et son équipe se contentant de gérer l’héritage Vigouroux, en subventionnant il est vrai de nombreuses structures sans se livrer systématiquement à une chasse aux sorcières…

Rien de nouveau sous le soleil ? Depuis l’annonce, l’année dernière, quelques mois après l’échec de la Coupe de l’America, de la candidature de Marseille au titre de Capitale européenne de la culture pour 2013, les choses ont l’air de bouger. D’autant plus que la municipalité, toujours friande de financements nationaux et européens, a touché le gros lot en juin de cette année : 107,3 millions d’euros de financement au titre de ses grands projets culturels ! Une convention entre la ville et l’Etat pour 2005-2007 qui, selon La Provence du 16 juin, portera le budget culturel de Marseille à 112 millions d’euros sur la période (7e de France) et devrait permettre d’assurer les rénovations, d’édifier le Grand Longchamp, le Musée des civilisations d’Europe et de Méditerranée, un temps sacrifié sur le dos de la candidature à la Coupe de l’America, le Silo (nouvelle scène musicale prévue sur le site Euroméditerranée), la Cité des arts de la rue, d’agrandir la Friche de la Belle de Mai, etc. La commune s’engageant de son côté à investir plus de 72 millions d’euros pour l’ensemble des travaux.

La perspective du plan culturel 2002-2012 laisse Bernard Aubert de marbre : « C’est une politique de cathédrales ». De son côté, Bernard Jacquier, président d’Espace culture, vante la richesse de la programmation de spectacles vivants : « Peu de gens savent que Marseille possède plus de théâtres que Paris en nombre de places par habitants », souligne-t-il. Reste que la politique culturelle de la ville demeure avant tout centrée sur de l’évènementiel (différents festivals, un carnaval…). «Des événements avant tout importants électoralement », analyse une interlocutrice avisée qui préfère garder l’anonymat. On la comprend, car son jugement est sans appel : « Avec leur niveau, si nos élus imposaient une stratégie culturelle ce serait d’ailleurs dramatique ! »

Ce qui explique peut-être pourquoi il est plus fréquent de les croiser dans les travées du Vélodrome qu’au théâtre. Mais également qu’une des rares initiatives pour favoriser l’accès à la culture est l’opération « Lever de rideau » (une place pour un match de l’OM et une seconde pour un spectacle de danse au prix de 25 euros). Ou encore que le métro n’ouvre en semaine que pour les matchs de l’Olympique de Marseille, que Jean-Claude Gaudin s’affiche sans aucune gêne aux côtés du scientologue Tom Cruise, que Luc Besson est choisi pour édifier le prochain multiplexe marseillais. Ou bien « qu’aucun effort n’est fait pour soutenir les petits lieux et tout ce qui fait la vie culturelle d’une ville », comme le déplore Bernard Aubert. Mais on peut prendre tout cela avec philosophie. A l’image de Guy Robert : « très satisfait de toucher des subventions tout en ayant une paix royale sur la programmation ! »

Jean-François Poupelin

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