Mosquée : la grande illusion

mai 2006
A Marseille, la promesse de construire une grande mosquée fait l'objet de promesses politiques depuis... 1937

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Marseille compte entre 150.000 et 200.000 musulmans, pour une cinquantaine de salles de prière. En 2001, alors qu’il vient d’être réélu aux municipales, Jean-Claude Gaudin, souhaitant inscrire son second mandat dans l’Histoire, annonce son intention de doter sa ville d’un grand centre cultuel et culturel. « Je vais tenir une promesse, celle d’offrir à la communauté musulmane la possibilité de bâtir une mosquée digne de ce nom. » Un comité de pilotage est créé par le maire, chargé de définir le projet et surtout de dégager un consensus parmi les différents acteurs musulmans. La tendance est à l’optimisme. La mairie propose un bail emphytéotique de 99 ans sur un terrain de 19 000 m2 situé dans les quartiers nord : sur le site des anciens abattoirs de Saint-Louis. Mais très vite, un obstacle de taille apparaît : la division de la communauté musulmane. Différentes tendances se disputent le leadership. La mosquée de la Capelette est affiliée à la Mosquée de Paris. Son recteur, Bachir Dahmani, est également président de la fédération régionale des musulmans du sud de la France (proche de l’Algérie). C’est aussi le représentant musulman de l’association Marseille Espérance. Autre groupe qui pèse dans le paysage musulman marseillais : le Conseil des imams. Créée en 1999, cette association regroupe un grand nombre d’imams représentant diverses mosquées avec à sa tête Mourad Zerfaoui. Egalement présent, le très médiatique Soheib Bencheikh, nommé grand mufti de Marseille par la Mosquée de Paris. Théologien confirmé et homme de dialogue (auteur de Marianne et le Prophète), il ne contrôle cependant aucun lieu de culte. Si bien que ses adversaires l’ont surnommé le « mufti sans mosquée » ou « mufti de l’OM ». Là-dessus, vient s’ajouter l’influence des fédérations nationales, avec notamment la sulfureuse UOIF (Union des organisations islamiques de France). A sa tête, Mohsen N’gasou surenchérit en déposant un permis de construire pour un centre islamique de 2 300 m2. Le terrain se situe à quelques mètres du site prévu pour la grande mosquée. Face à ce manque d’unanimité et à la multiplication des projets issus des associations, la mairie fait machine arrière et décide de privilégier un « islam de proximité » en restructurant les lieux de culte dans les quartiers. Ainsi la mosquée de la Capelette est agrandie. La communauté musulmane originaire d’Afrique et des Comores (70 000 Comoriens et 7 000 Africains), bénéficie d’une salle d’environ 400 places. Aujourd’hui, le projet de grande mosquée n’est pas officiellement enterré mais il est en sommeil profond. Même si, entre-temps, un consensus a vu le jour, parmi une grande partie des acteurs agités de l’islam de Marseille. Reste la question du financement. La mairie, selon la loi 1905 de séparation de l’église et de l’état qui soustrait les cultes du champ du service public, ne peut financer les nouveaux lieux de culte. Elle encourage donc la création d’une association dite loi 1905, seule habilitée à bénéficier du bail emphytéotique. A charge pour les musulmans de trouver l’argent et de construire un projet « qui s’inscrit dans le paysage architectural de la ville », le tout de préférence avant les municipales de 2008, également date d’élections pour les instances représentatives de l’islam de PACA : le CRCM (Conseil régional du culte musulman). Le pari semble difficile à tenir d’autant que des recours peuvent voir le jour. En effet, le Comité d’intérêt de quartier de la Calade et certains habitants ne verraient pas d’un très bon ?il l’édification d’un tel projet. « L’affaire est entièrement entre les mains des musulmans », persiste à dire la mairie. Un discours récurent depuis… 1937 et la promesse du maire de l’époque, Henri Tasso, d’édifier une grande mosquée, pour honorer les soldats musulmans morts pour la France durant la Première guerre mondiale.

Rafi Hamal

Prière de patienter

Partout en Paca, de nombreux obstacles se dressent devant les associations musulmanes qui souhaitent mener à bien l’achat d’un terrain ou d’un bâtiment pour en faire un lieu de culte. Dans les Alpes-Maritimes, la communauté musulmane se chiffre à 120 000 membres pour seulement 37 lieux de cultes. Des locaux souvent trop étroits et parfois insalubres. A Nice par exemple, où l’on recense plus de 50 000 musulmans, il n’y a… aucune mosquée ! Jacques Peyrat (UMP, ex FN) n’a jamais caché sa franche hostilité pour tout projet de mosquée. De fait, la mairie fait des préemptions sur tous les projets d’ordre cultuel. Face à cette guérilla administrative, des associations se mobilisent. Manifestations et pétitions se succèdent pour sensibiliser l’opinion publique. L’association Moubarak et le CRCM (Conseil régional du culte musulman) ont finalement été reçus par Jacques Peyrat pour un entretien. A l’issue duquel aucune avancée n’a été constatée. Ce qui pousse le président du CRCM, Abderahman Ghoul, à déclarer sur un ton fataliste : « Il faut patienter encore un peu, car la proximité des élections rend les discussions difficiles. »

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