Les calanques aux calendes grecques ?

juillet 2006
L'adoption de la nouvelle loi sur les parcs nationaux pourrait accélérer la création de celui des calanques. Sauf si...

09rv32fathy_calanques.jpg Falaises blanches et eau turquoise. Un joyau naturel de 5 500 hectares à portée de main – mais aussi de pieds, de rames et de voitures ! – du million d’habitants de l’agglomération marseillaise… Depuis très longtemps, on a tout dit sur l’impérative nécessité de protéger la beauté et la fragilité d’un site exceptionnel, classé en 1975. En décembre 1999, un Groupement d’intérêt public a vu le jour. Parmi les missions du GIP : préparer la création d’un parc national. « Tout le monde est pour, mais dès qu’il faut mettre la main à la pâte, chacun temporise », résume Annick Boët, présidente du groupe PCF à la mairie de Marseille. La maîtrise foncière est partagée entre huit gestionnaires : les villes de Marseille et de Cassis, le département des Bouches-du-Rhône, l’Office national des forêts, le Conservatoire des espaces littoraux, EDF. Et les usagers, aux intérêts parfois divergents, sont pléthores : cabanonniers, randonneurs, escaladeurs, chasseurs, plongeurs, plaisanciers…

« Entre les différents acteurs, c’est parfois le tango argentin », reconnaît Guy Teissier, président du GIP. Député UMP, maire des 9ème et 10ème arrondissements de Marseille, il s’est lui-même livré à quelques pas de danse. « Il a d’abord été totalement opposé à l’idée d’un parc national puis favorable à condition que la loi de 1960 soit réformée notamment pour renforcer le rôle des élus locaux », rappelle François Labande, alpiniste et co-fondateur de l’association Mountain Wilderness. Or le décret d’application de cette fameuse loi devrait être promulgué cet été. La création d’un parc national des calanques ne sera donc plus repoussée aux calendes grecques ? « Première étape obligée, les collectivités locales doivent manifester leur attachement au projet, explique Guy Teissier. A ce jour, seule Cassis a adopté lors d’un conseil municipal le principe de la création du parc. On peut raisonnablement envisager un décret de création d’ici un ou deux ans. » De son côté, représentant Jean-Claude Gaudin au GIP, Laure-Agnès Caradec n’avance pas de dates. « Le maire de Marseille me demande d’avancer prudemment sur ce dossier. Il faut faire le parc avec ses usagers, pas sans les Marseillais », souligne la conseillère municipale déléguée aux Calanques.

Adjointe déléguée aux affaires maritimes, France Gamerre est un peu plus enthousiaste : « Je suis très favorable à ce qu’un parc soit mis en ?uvre le plus vite possible. C’est un aboutissement, dans l’ordre des choses de la création du GIP et de l’action natura 2000. » Mais la présidente de Génération écologie ajoute, très vite, un bémol : « Il ne faut surtout pas réduire la phase de concertation, ni faire preuve d’autoritarisme. » Pourtant, le temps presse. Deux autres projets de parcs nationaux sont dans les cartons, en Guyane et à la Réunion, et l’Etat, principal financeur, sera peut-être conduit à faire des choix budgétaires. « Si Jean-Claude Gaudin avait eu vraiment la volonté d’aboutir, on n’aurait pas attendu dix ans », assène Annick Boët du PCF. « Sur ce dossier comme d’autres, le maire montre son incapacité à obtenir l’aide juridique et financière de Paris où il prétend avoir tant d’amis », fusille Patrick Menucci, le président du groupe socialiste marseillais. « Jean-Claude Gaudin a dit publiquement qu’il soutenait désormais l’idée d’un parc national et a voté au Sénat la nouvelle loi les régissant, constate Guy Teissier. Reste à aller de l’avant. »

Au manque d’enthousiasme du maire de Marseille, s’ajoutent désormais les craintes du Conseil général socialiste. « Le Département craint qu’avec la nouvelle loi, l’Etat se désengage en partie financièrement et que le Conseil général soit obligé de mettre la main à la poche », explique François Labande. « Ma devise, c’est rien ne se fera sans vous, lance Guy Teissier, résolument optimiste. Mais je sais bien que je ne ferai jamais l’unanimité. Les gens veulent que les choses changent mais pas chez eux. » Après avoir siégé six ans au sein du GIP, Pierre Lemery-Peissik secrétaire général du club alpin Marseille Provence, ne cache pas son impatience : « Nous n’avons plus le droit de ne rien faire et de nous cantonner dans l’immobilisme, affirme-t-il. La sur-fréquentation menace le site. Tout le monde doit dire sans ambiguïté ni tergiversations qu’il souhaite franchir cette nouvelle étape. Ensuite, il sera encore temps de débattre des modalités. » Et de balayer, une à une, toutes les réticences qui circulent. Est-ce qu’il est incongru de créer un parc national auprès d’une grande agglomération ? « Il y a des exemples à l’étranger, le Parc du Vésuve près de Naples, à proximité de Cape Town en Afrique du Sud. » Faut-il craindre un retour du jacobinisme parisien ? « L’Etat dit « chiche », je vous accompagne dans votre démarche. Ce n’est pas du jacobinisme, c’est du partenariat. » Et Pierre Lemery-Peissik de citer la célèbre phrase de Saint Exupéry : « Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants. » Il a disparu en avion au large des fameuses calanques.

Michel Gairaud

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