S’adapter sans se renier

mars 2005
Alors que les plans sociaux se succèdent, que la gauche sociale et syndicale retrouve le pavé, que devient le PCF, dans une région où disparaissent industries et ouvriers ?

« Nous sommes entré en résistance et en espérance ». L’expression est de Jean-Marc Coppola, secrétaire fédéral des Bouches-du-Rhône du PCF. Une résistance timide, si on la soumet à l’arbitrage des urnes ou au nombre de militants. Et une espérance raisonnable, puisqu’on lutte désormais plus pour conserver les acquis sociaux que pour imposer un monde nouveau. Mais, si le déclin du parti communiste est général dans notre région, élus et militants refusent de plier bagages.

Dans les Bouches-du-Rhône, le parti communiste conserve des bastions. Une implantation qui coïncide souvent avec les dernières concentrations d’industries (Berre et la sidérurgie, le port autonome de Marseille…) et, par conséquent, avec la présence d’une tradition syndicale et ouvrière. Inversement, la fermeture des chantiers navals de la Seyne a marqué aussi la fin de la toute puissance du parti communiste local. Une des questions que se posent aujourd’hui les responsables communistes, c’est de savoir comment rassembler une classe ouvrière qui en se disséminant s’est profondément modifiée. De nombreux travailleurs ont quitté l’industrie pour rejoindre des secteurs plus précaires. Dans les services et le bâtiment, on migre d’une place à l’autre, en fonction de la demande. En quelque sorte, une classe « laborieuse », aux contours incertains et fluctuants, remplace peu à peu la traditionnelle classe ouvrière. Ce qui contribue à créer une distance entre une partie de l’électorat populaire et le parti communiste.

Dans les Alpes-Maritimes, la désindustrialisation de la région affecte finalement moins les communistes. La French Riviera a toujours été sociologiquement très différente des corons de Lorraine ! Le parti communiste local s’est historiquement construit avec des immigrés italiens travaillant dans le secteur du bâtiment. Robert Ingey, responsable de la fédération du 06, souhaite mieux prendre en compte ces réalités : « les gens ne s’impliquent plus comme il y a vingt ou trente ans, le rapport à la politique est davantage de l’ordre du zapping. On s’engage pour une cause définie, mais plus sur le long terme. » Et le secrétaire fédéral de poursuivre sur la nécessité pour le parti de mieux veiller à rester en phase avec les sociologies locales. « Nous mettons l’accent sur la culture, en rappelant que Picasso était adhérent au parti dans notre département ».

Le PCF est convalescent, certes, mais semble avoir diagnostiqué une partie du mal qui l’affecte : la perte d’une relation de proximité avec ses électeurs. « En 1977, l’électorat votait communiste, se souvient Robert Ingey. En 1981 beaucoup de nos électeurs ont voté socialiste, et entre 81 et 91 certains ont flirté momentanément avec le front national. Aujourd’hui, ils s’abstiennent. » Au quartier populaire de l’Ariane à Nice, aux dernières Européennes et Législatives, dans certains bureaux de vote, la participation ne s’élevait pas au-dessus de 30 %.

Le PCF en Paca est-il voué à disparaître au rythme des mutations du marché du travail ? Il y a des contre-exemples. Au Rove, dans les Bouches-du-Rhône, la section locale du PCF compte 200 adhérents sur 4070 habitants. Le maire, George Rosso, en est à son cinquième mandat, une performance pour celui qui qualifie lui-même sa ville de « bourgeoise ». « A moins de deux millions, vous ne pouvez pas vous installer ici ! Je suis apprécié parce que je reste communiste tout en m’adaptant à mes administrés. » S’adapter. Sans se renier. Plus simple à dire qu’à faire.

Rafi Hamal

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