L’UMP mal à droite
C’est le ouaï à l’UMP. Sinon, pourquoi le patron de la fédé dans le « 13 », Bruno Gilles, d’ordinaire si prolixe avec le Ravi, se ferait-il aussi discret ? Alors qu’il refuse de répondre à nos questions sur l’UMP « avant les sénatoriales (cet article a été enquêté en septembre et publié dans le Ravi n°122 daté octobre 2014) », on apprend par la bande qu’il doit tenir mi-septembre une conférence de presse avec Jean-Claude Gaudin. Mais le jour même, le rendez-vous est annulé ! Peut-être que le sénateur-maire de Marseille voulait éviter d’aborder l’affaire de « détournement de fonds » de 400 000 euros au profit des sénateurs UMP : d’après Mediapart, Gaudin aurait touché 24 000 euros. Et le sénateur-maire de Toulon, Hubert Falco, 12 400.
Loin d’être populaire et encore moins unie, l’UMP a tout de l’oxymore. Mais ça ne manque pas de « mouvement » : de fond ou de fonds, pourrait-on grincer vu les affaires, notamment Bygmalion qui, en Paca (comme à Menton où l’agence de com’ est intervenue), a eu quelque écho. Mais, au-delà, le blues à l’UMP n’est pas sans lien avec le retour aux affaires, malgré les affaires, de Sarkozy.
Foire d’empoigne
En tête, la cacophonie de la rentrée avec, début septembre, le même week-end, deux campus de l’UMP. L’un à la Baule avec Fillon et Juppé. L’autre à Nice, le maire Christian Estrosi roulant pour Sarkozy. Avec, au tweet et au photo-montage, l’insubmersible Nadine Morano. Et, au discours et à la retape, celui qui veut prendre la place de Gaudin à la tête des sénateurs de droite, Jean-Pierre Raffarin. Un manque de neutralité de la part de celui qui co-préside l’UMP qui a agacé le filloniste Eric Ciotti, patron du CG « 06 ».
Car, si depuis l’éviction de Jean-François Copé pour cause d’affaire Bygmalion, c’est le trio Fillon-Juppé-Raffarin qui co-préside l’UMP, malgré le congrès en novembre et la promesse de primaires en 2016, c’est déjà la foire d’empoigne avant 2017. Avec, à la figuration, Bruno Le Maire et Hervé Mariton. Dans le rôle de l’éternel second, François Fillon. Et, pour le duel au sommet, Juppé vs Sarkozy.
Soupir de Christian Kert, député UMP dans le « 13 » : « Je viens du centre. Je ne suis pas un RPR à qui il faut un chef. J’espère donc qu’il y aura du débat. Après, ce chevauchement de calendrier est loin d’être idéal. Et on aura du mal à éviter la bataille des egos. Reste que, sur le terrain, on nous parle aussi de Sarkozy et de son retour… »
Et si Copé a appelé les siens à soutenir ce dernier, le député-maire de Chateaurenard (13), Bernard Reynès, ancien copéiste, prévient : « Je ne m’y opposerais pas. Mais à une condition : qu’on fasse son bilan critique. En 2007, Sarkozy avait réussi à siphonner les voix du FN. Mais les espoirs ont vite été déçus. Il faut être clair. Pas question de faire le moindre accord avec le FN mais pas question de manquer de courage. Il faut une gauche de gauche et une droite de droite. Et ce dont on a besoin, ce n’est pas d’un sauveur, c’est d’un candidat. »
Désarroi et radicalité
En attendant le congrès en novembre et le casting complet, dans une région où le FN cartonne et où la « Droite populaire » comme la « Droite forte » dominent, la tentation est grande d’aller draguer sur les terres du Front. Kert nuance : « Sur le terrain, on trouvera toujours des gens nous conseiller de nous rapprocher du FN. Mais, dans les cahiers de doléance que j’ai lancés cet été auprès des militants, c’est plus nuancé. Lorsqu’il y a un questionnement sur l’identité, l’intégration, sauf exception, c’est sans outrance. Ce qui tranche avec l’image que peut avoir Paris des gens du sud… »
Le 8 octobre, se tiendra à Aix une étape des Etats Généraux de l’UMP afin de rendre compte de ces cahiers de doléance « lancés pour répondre au désarroi des militants face à la crise de l’UMP, explique le député. Ce qu’ils réclament ? De la transparence, de l’écoute. Et des idées neuves ». Mais aussi d’en finir avec « l’assistanat »… Pas sûr que ce grand raout (initialement prévu le… 11 septembre) suffise à dissiper le malaise dans un parti tiraillé entre le centre et l’extrême droite. Et qui n’a exclu ni le maire des Saintes-Maries (13), Rolland Chassain (malgré les échanges de bons procédés avec le FN), ni le maire de Roquebrune-sur-Argens (83), Luc Jousse, pourtant à l’origine d’un gros dérapage sur les Roms.
En revanche, fin 2013, elle a contraint à la démission Jean-René Laget, ancien patron des Jeunes Pop’ de Paca, suite à ce tweet : « Pendant que certaines égoïstes et d’autres nazies avortent ici, l’Espagne revient à la raison, pour ne pas participer au plus grand génocide sur 100 ans. » Il s’occupe depuis dans le « 06 » du RPF, le groupuscule d’un autre ancien de l’UMP, Christian Vanneste. « L’UMP est dans un état de décomposition totale, nous explique-t-il. D’où ce bal des revenants, avec une petite cour qui, tant qu’elle fait plus de 50 %, ne bouge pas. Et veut tout sauf donner la parole ou des moyens aux militants. Et encore moins des idées neuves ». Au RPF, on a trouvé la solution : « Avec le FN, c’est au cas par cas. Et pour contrer le RBM, on a recréé le RPR, qui appartient au RN » (1). CQFD !
Sébastien Boistel