La guerre TGV de Marseille

janvier 2005
Les maires UMP de Marseille et d'Aix militent main dans la main pour que la future ligne à grande vitesse traverse la première et évite la seconde. Aubagne fait les frais de cet intense lobbying.

« Marseille veut la ligne à grande vitesse. » Le slogan n’est pas franchement très percutant et l’information déjà connue. Cette phrase ne vaut que par le cadre et l’instant où elle a été prononcée : les salons d’honneur de la Préfecture de Région au moment de l’annonce officielle de l’installation d’Iter à Cadarache début décembre. Son auteur n’est autre que Claude Vallette, adjoint UMP à l’urbanisme de la mairie de Marseille qui remplit la même mission pour la Communauté urbaine MPM. Quel rapport entre Iter et la future Ligne à grande vitesse qui traversera la région d’ici dix ou vingt ans ? A priori aucun. Si ce n’est que l’élu en question ne perd plus une occasion de citer la future LGV à tout bout de champ. Cela donne : « Marseille se réjouit de l’arrivée d’Iter et participera volontiers à son installation. Mais cet investissement doit forcément aller de pair avec le passage de la LGV par Marseille. »

En fait, les élus marseillais se sont tardivement réveillés en septembre, découvrant soudain que les projets de desserte que Réseau Ferré de France allait proposer au débat public en 2005 mettaient très clairement Marseille de côté. Horreur ! En effet, parmi les trois scénarios de desserte, un seul passe au sud de la gare TGV d’Aix, sur le plateau de l’Arbois. Ce qui ne veut pas dire qu’il passe par Marseille. Or, en chef de file d’une ville aux très maigres budgets, Gaudin est avide de la moindre infrastructure susceptible à la fois d’aménager sa ville (quitte à exproprier) et d’amener de nouveaux chalands en provenance de Nice et plus tard d’Italie. L’équipe en charge du développement économique se jette alors à corps perdus dans la bataille. Elle embauche même deux spécialistes pour bosser sur le sujet. La première urgence : convaincre RFF d’entendre leurs doléances et de faire évoluer les scénarios de desserte pour qu’ils incluent les propositions marseillaises. Le but est que Marseille soit traversée par une deuxième ligne TGV qui s’arrête en gare de la Blancarde à l’est de la ville avant de filer vers le Var et Nice. Marseille trouve une alliée de poids dans la bataille en la personne de la vitupérante maire UMP d’Aix et présidente de la communauté d’agglo du pays d’Aix, Maryse Joissains. « Moi vivante, la LGV ne traversera pas les paysages de Cézanne. Ou alors elle mettra 30 ans à être construite », menace même la sémillante députée.

Les deux villes trouvent là une sainte arche à leur alliance. Joissains ne veut pas que ses chers administrés soient dérangés par une nouvelle ligne à grande vitesse. Elle veut donc qu’elle passe le plus au sud des villas aixoises. Comme Gaudin la veut la plus près possible de chez lui, les voilà donc mariés pour le meilleur et pour l’avenir. Dans la foulée, ils décident de donner un petit air de coopération intercommunale à cette alliance circonstancielle. Ils signent donc le 1er décembre une charte de coopération qui fait suite à la réunion des présidents des Intercoms du coin. Qu’importe ce qu’elle contient (quasiment rien), l’essentiel est de marteler le message : pas question que la LGV décroche à l’Arbois pour suivre l’autoroute au niveau du péage de la Barque, il faut qu’il vire plus bas. Bernard Gyssels en charge du dossier pour le poseur de rails français n’est pas totalement fermé à ces scénarios. Pour lui, le jeu reste ouvert. « Les trois scénarios de desserte prévoient plusieurs variantes. Une de ces variantes passe effectivement au sud de l’Arbois, passe au plus près de Saint-Charles et rejoint le tracé de l’autoroute de Nice par la vallée de l’Huveaune. »

Mais voilà, la vallée de l’Huveaune débouche sur le pays aubagnais, et les élus de cette zone n’entendent pas regarder passer le train comme des santons. Président PC de la communauté Garlaban-Huveaune-Sainte Beaume (GHB), Alain Belviso : « Premier point, oui, la LGV Paca est indispensable pour notre région mais ça ne sert à rien de faire rêver sur un ouvrage prévu pour dans vingt ans, alors que l’urgence est de réaliser un vrai RER entre Aix, Marseille et Aubagne. C’est entre ces deux villes que l’on trouve les plus forts taux de croissance automobile. Deuxième point : je ne comprends pas que les élus marseillais et aixois fassent le forcing avant même l’ouverture du débat public qui doit justement permettre d’entendre tout le monde. Enfin, dernier point, je suis comme la maire d’Aix , moi vivant, la LGV ne passera pas par Aubagne en détruisant soit des terrains agricoles au piémont du Garlaban, soit une zone économique, soit des habitations populaires. Nous avons refusé de signer le quatrième scénario de desserte qu’Aix et Marseille ont concocté et qu’ils comptaient bien nous faire valider. En plus, ce faisant, les élus nous ont exclus du processus d’élaboration de la charte de coopération intercommunale. Nous ne sacrifierons pas les Aubagnais sur l’autel du 2ème TGV de Marseille. Et je vous préviens, je suis très énervé. » Dans cette partie de la région, le débat public risque d’être corsé.

Gilles Bribot

global-lgv.jpg tableau-lgv.jpg

Imprimer