Le vrai-faux éco-quartier

septembre 2012
Depuis trois ans, la municipalité et un collectif de riverains travaillent à la construction d’un éco-quartier. Mais la mairie grille les étapes pour faire sortir de terre un projet immobilier.

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La municipalité d’Avignon [1] est atteinte d’un mal récurrent : elle a souvent tendance à confondre concertation et information. Le projet d’éco-quartier dans le sud de la ville l’atteste encore. La mairie l’a présenté une première fois en 2009. Puis a tenté de passer une nouvelle mouture au forceps en avril dernier, après presque 3 ans de concertation « forcée » avec le collectif de riverains Avignon Sud. « La municipalité, du moins ses services techniques, souhaitent urbaniser ces friches qui furent des terres agricoles depuis une vingtaine d’années. C’est une des dernières zones constructibles de la ville, explique Paul-Roger Gontard, président du collectif. Dans la 1ère mouture du projet, la mairie se contentait de donner un coup de peinture verte sur ce qui était déjà prévu. Mais d’éco, il n’y avait que le nom. La qualité environnementale HQE des bâtiments n’était – et n’est – toujours pas suffisamment ambitieuse puisque de toute façon, c’est obligatoire à partir de 2013 ! Puis rien n’est pensé pour le vivre ensemble, la mixité sociale, qui est un pan entier de la logique d’un éco-quartier. C’est comme ça que le collectif s’est monté, pour défendre un projet ambitieux. » Suite à ces premières annonces, un comité de pilotage représentant riverains et élus se constitue pour plancher sur le dossier.

Jusqu’à ce jour d’avril 2012 où, en conseil municipal, une délibération est soumise au vote alors que les membres du comité de pilotage n’ont pas été prévenus. « La mairie se cache derrière un bug informatique mais nous n’avons jamais rien reçu. Elle cherchait en fait à nous mettre au défi et notre pétition signée par près de 1000 personnes a dû faire réfléchir les élus », tance le chef de file des riverains. Peu après, la mairie promet alors une réunion pour calmer le jeu. Mais le collectif prend cette délibération votée dans la précipitation comme une provocation : « On a retrouvé dans cette dernière mouture beaucoup de similitudes avec ce qui avait été présenté en 2009 ! Presque trois ans de travail pour rien… » De plus le projet n’est pas complet, les équipements publics « de toute manière nécessaires à la ville », comme une maison de retraite, ne sont pas budgétisés. La mairie arguant que dans le cas d’une ZAC, des modifications budgétaires peuvent être apportées ultérieurement.

Max Rieux, opposant Front de gauche à Avignon et membre du comité de pilotage, confirme la faible capacité municipale à concerter et la dimension écologique au rabais du projet. Mais il pointe aussi des conflits d’intérêts qui empoisonnent le dossier de part et d’autre : « Le directeur de l’aménageur CITADIS est aussi l’adjoint aux finances et à l’urbanisme. La ville aurait-elle besoin de se précipiter car elle manque ? D’autre part, Paul-Roger Gontard est à la fois positionné politiquement sur Avignon (il est membre du Modem, Ndlr) et possède des terres sur la zone de ce futur éco-quartier… Je ne remets pas en cause sa sincérité quant à la défense d’un projet ambitieux mais il aurait peut-être dû se mettre en retrait. » Finalement, le collectif a pu s’entretenir le 22 juin dernier avec le maire, chose très rare dans ce genre de dossier. « Il y a une volonté d’apaisement. On nous a donné des garanties. Par exemple, aucun appel d’offres ne sera lancé sans notre aval. Par contre, nous n’avons toujours aucune certitude concernant les installations publiques. Alors au-delà des mots on restera vigilant sur les faits », résume Paul-Roger Gontard. La mairie est prévenue.

Clément Chassot

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