« Popopopo ! »

mai 2012
Tout n'est pas perdu pour Jean-Noël Guérini ! Le président PS du conseil général des Bouches-du-Rhône vient d'embauche un nouveau directeur de cabinet. En mars nous avions testé (lire ci-dessous) la plénière où le budget a été adopté. Dans notre numéro de mai, actuellement chez les marchands de journaux, notre "contrôle technique de la démocratie" est consacré au conseil municipal de Bandol (83)...

ravi_trax_jean-noel_guerini.jpg

8h55 Arrivée de Jean-Noël Guérini. Cheveux gominés, lunettes rondes et costard-cravate sombre sur chemise blanche, le sénateur et président PS du conseil général des Bouches-du-Rhône (CG 13) s’installe à la tribune de l’hémicycle du « bateau bleu » (surnom du siège de la collectivité). Le mis en examen pour « association de malfaiteurs » et autres joyeusetés, aux côtés de son frérot Alexandre, dans l’affaire qui porte le nom de la famille, serre les mains qui lui sont tendues d’un inlassable et chantant : « Ça va ? Très bieng. »

9h04 En ce jour solennel de vote du budget primitif 2012, seul manque à l’appel le socialiste Alexandre Medvedowsky. « Bizarre », sourit un confrère qui soupçonne une absence diplomatique. Le candidat malheureux à la mairie d’Aix-en-Provence en 2008 et 2009 a en effet été entendu par le juge Duchaîne quelques jours plus tôt dans un nouveau volet du « guérinigate ».

9h12 D’un petit geste de la main, Jean-Noël Guérini salue quelqu’un dans le public. Puis lance un regard intéressé vers les bancs de la presse, la main nerveuse.

9h22 Lisette Narducci, vice-présidente à l’insertion sociale et professionnelle et proche du sénateur socialiste, attaque les grandes lignes de son budget 2012 (rapports 4 et 5). On y apprend que le département compte 71 000 allocataires RSA et en attend 3 000 de plus cette année. Fidèle à ses principes (le Ravi n°88), Didier Réault, un quadra bronzé de l’UMP en costard-cravate coiffé en brosse, demande la « suppression de la prime de Noël ». Un os pour le pestiféré du PS, qui tonne de sa voix nasillarde : « C’est votre politique à la droite d’être contre les pauvres ! »

9h30 Exclus de l’hémicycle avant l’ouverture des débats, les photographes y font leur retour sous la surveillance d’une attachée de presse. Jean-Noël Guérini prend la pause.

9h35 Fin de la séance photo.

9h53 Entre les aller-retour hors de la salle, les discussions en petits comités, le ballet des cinq huissiers, les élus plongés dans la presse ou sur leurs portables, sans oublier les amabilités et autres invectives, l’ambiance s’apparente de plus en plus aux mardis et mercredis de l’Assemblée nationale, séances retransmises à la télé.

10h14 « Budget primitif 2012 – Soutien à la vie associative » (rapport 13). Solange Biaggi demande la parole pour l’UMP. Adjointe de Jean-Claude Gaudin, l’élue du 6e arrondissement demande des nouvelles de la « commission créée en octobre dernier pour analyser les aides aux communes et aux associations ». Un sujet qui fâche : la droite accuse Jean-Noël Guérini d’avoir une politique arbitraire, voire clientéliste. Aux « bravos Solange ! » des rangs UMP, répondent des « Popopopo ! » d’un Jean-Noël Guérini tendance NTM.

10h25 Alors qu’une large partie de la droite a déserté ses rangs, Jean-Noël Guérini suit les débats avachi dans son fauteuil, ventre en avant.

10h42 Le président mis en examen reluque encore les bancs de la presse. Le regard est cette fois plus méfiant.

11h07 Depuis une vingtaine de minutes l’opposition tape sur la politique du département en direction des collèges. Adjointe à l’Éducation et membre du triumvirat, dans la majorité départementale, qui demande la démission de Jean-Noël Guérini, Janine Écochard peste : « Faut être quand même culotté de pointer nos déficiences quand on voit le marasme de l’éducation nationale ! » Et d’ironiser : « Considérons que tout ce qui est excessif est dérisoire… »

11h36 Bien fourni en début de séance, le public commence à déserter son balcon. Tentative d’explication : le restaurant de la collectivité vient d’ouvrir ses portes.

11h44 Plutôt passif depuis le début de la séance, Jean-Noël Guérini intervient désormais régulièrement, avec force gestuelle et de manière souvent désordonnée.

11h50 « Vous non plus, n’écoutez pas la presse ! » (sic), lance le président du CG13 à Anne-Marie Bernard, conseillère générale UMP de Châteaurenard, qui vient de s’excuser sur le manque d’infos dont elle disposait à propos du financement de la liaison est-ouest au sud d’Avignon.

12h08 Nouveau vote « contre » de l’UMP, nouveau « Popopopo ! » de Jean-Noël Guérini.

12h14 Le président du CG13 se lisse les cheveux.

12h20 « Compte rendu à l’assemblée de l’exercice par le président du conseil général de la compétence qui lui a été déléguée en matière de décision d’ester en justice » (rapport 49). Traduction : Jean-Noël Guérini doit faire le point sur sa situation judiciaire. Immédiatement, l’UMP Martine Vassal se lève et attaque sur la « situation dramatico-judiciaire ». Il est question de « nouveau degré franchi depuis le 15 mars » avec « la levée de l’immunité parlementaire » du sénateur socialiste, de « silence complice des responsables socialistes », d’un « vote à bulletin secret » lors duquel chacun sera « face à sa conscience » sur le « renouvellement du système ». Pendant l’allocution, seuls un « Ahh ! » et un « Ohh ! » ont troublé un silence pesant…

12h28 Réponse immédiate de Jean-Noël Guérini. « Vos gesticulations se sont un peu calmées », attaque le président du CG13, en référence à la mise en cause de la femme de Renaud Muselier dans un marché public de l’office HLM de la ville de Marseille et d’écoutes téléphoniques peu à l’avantage du député UMP de Marseille. Et de rappeler, bravache et aussi théâtral que Martine Vassal était affectée, que la « levée de [son] immunité est très partielle, [et] n’autorise aucune mesure coercitive », avant de prendre sa posture favorite de martyr : « rumeurs et ragots dont ma femme et ma fille sont victimes », « manipulation politicienne », etc. Conclusion : « C’est important pour moi d’avoir le soutien du bon peuple de Marseille, d’avoir ma majorité à mes côtés. » Les applaudissements sont plus que polis.

12h50 Les dernières délibérations sont évacuées à grande vitesse. L’ambiance se détend et vire de nouveau cour de récré. Jean-Noël Guérini se rapproche d’Hervé Schiavetti, maire PCF d’Arles, assis à sa droite, et entoure ses épaules en rigolant.

13h00 Didier Réault achève son intervention sur le « Budget primitif » (72e et dernier rapport) en taquinant l’ancien patron du PS local sur les dissidences aux législatives. L’intéressé, éternel : « Nos problèmes politiques, laissez, on se les règle nous. Soyez modestes, voyez un peu ce qui se passe à l’UMP. » Touché : Robert Assante, maire (ex. Nouveau centre) des 11e et 12e arrondissements et conseiller général du coin, vient d’annoncer sa candidature, qui divise la droite au risque de faire basculer la circonscription à gauche…

13h21 Comme Jean-Marc Charrier (maire de Port-Saint-Louis-du-Rhône) pour le PCF, Mario Martinet (maire PS de Berre) annonce que son groupe votera pour le budget 2012.

13h25 Début du vote. Didier Réault photographie la scène avec son portable.

13h31 Marie-Arlette Carlotti et Michel Pezet, les deux autres frondeurs socialistes, saisissent ostensiblement un bulletin blanc. Christophe Masse (PS) se contente de son côté d’un bulletin « pour » et snobe l’isoloir.

13h36 Clôture du scrutin.

13h40 Premier comptage, il manque des enveloppes. « Elles sont dans les chaussettes », rigolent l’UMP. « Les chaussettes, c’est votre camp aussi ! », claque Jean-Noël Guérini en référence à la fraude électorale aux dernières municipales de Perpignan.

13h41 Début du décompte dans un silence quasi religieux.

13h45 Résultats : 32 pour, 18 contre, 6 blancs, 1 nul. Élu il y a un an avec 40 voix, Jean-Noël Guérini perd donc huit soutiens. Une nouvelle fois, les manifestations de joie sont plus que mesurées.

13h46 « Le budget est approuvé, l’ordre du jour épuisé. La séance est levée ! », annonce le président du CG13. Dans la foulée, il improvise une conférence de presse à sa tribune. « Rumeur », « délation », Jean-Noël Guérini ne déroge pas à sa ligne de défense. Le mis en examen y ajoute même un nouvel ingrédient : un mail anonyme, mais prévenant, l’informant d’un contrat de 200 000 euros sur sa tête…