Les cancres de la loi SRU

novembre 2011
L’Etat réprimande les communes qui ne construisent pas assez d’HLM. Celles-ci prétextent le manque de terrains et affirment qu’elles ne refusent pas la mixité sociale. Ah bon ?

ravi_coco_sru.jpgLors du Comité régional de l’habitat à Marseille, au début de l’été, le préfet de région, Hugues Parant, a listé les mauvais élèves en matière de construction d’HLM. L’article 55 de la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbain), oblige, en effet, toute commune de plus de 3 500 habitants à disposer de 20 % de logements sociaux avant 2020. Hormis les Alpes-Maritimes qui s’en sortent plutôt bien avec 7 386 nouvelles bâtisses (1), les autres départements sont à la traîne, avec parfois une construction proche du néant. « Pas assez de foncier », c’est le leitmotiv des élus, toutes couleurs politiques confondues. Pierre Olive, adjoint à l’urbanisme de la mairie UMP de Carry-le-Rouet (13) qui affiche un beau 0 % pointé se défend : « Avant fin 2011, on atteindra 46 logements sociaux, mais, pour autant, on n’arrivera jamais aux 20 % demandés, car le seul foncier que l’on possède provient des donations. » Mais pour Fathi Bouaroua, directeur régional de la Fondation Abbé Pierre, c’est un faux argument. « En 2007, lors des grandes spéculations immobilières, les communes avaient du foncier à proposer pour construire, mais pour loger les plus démunis, là, y’en a plus, s’indigne-t-il. Les villes comme Aix-en-Provence atteignent leurs objectifs alors que c’est là que le foncier est le plus cher. » L’Etat pointe du doigt les cancres mais oublie qu’en juillet 2010, il proposait d’instaurer une taxe de 2,5 % pendant trois ans sur les loyers sociaux, lui permettant de récupérer 340 millions d’euros par an, empêchant ainsi la construction de 20 000 HLM en France. « La politique de l’Etat n’est pas en adéquation avec ce que dit le Préfet : là aussi c’est un effet d’annonce ! », précise Fathi Bouaroua. En attendant, les sanctions tombent (2). Ensues-la-Redonne (13) doit régler 162 euros pour chacun des 57 logements manquants. « Je vais me défendre pour ne pas payer car rien n’avait été fait avant, par les autres majorités, indique le maire Michel Illac (PCF). Quand j’ai été élu en 2008, le logement social était une de mes priorités, mais ça a pris du temps de négocier avec le privé. Nous avons privilégié des bâtiments de qualité aux barres d’immeubles. Nous atteindrons même 25 % ! » D’autres villes, comme Bandol (84), selon Fathi Bouaroua, préfèrent payer les pénalités plutôt que d’accepter une mixité sociale trop voyante. Le maire, Christian Palix (DVD), qui a dû régler plus de 300 000 euros d’amende en 2008, s’en défend : « Si on peut acheter du foncier, on l’achète. » Mais même si, en 2010, il ne dépasse toujours pas les 5,44 % de logements sociaux, Christian Palix ne s’acquittera pourtant pas de sa dernière pénalité de 188 000 euros « qui sera prise en charge par l’intercommunalité », précise-t-il… Pas de quoi motiver les communes à construire ! Aucun élu n’avoue franchement ne pas vouloir d’une mixité sociale. Ce dont certains électeurs ne se privent pas, comme ce cadre dynamique d’Erargues (13) : « Ici, on aspire à la tranquillité. Personne ne souhaite voir un regroupement de gens à problèmes dans sa commune. » Pour mémoire, en Paca, il y a 350 00 mal-logés, pour seulement 265 000 logements sociaux… Samantha Rouchard

Imprimer