Trets : conseil municipal du 24 juin 2011

septembre 2011
Tous les mois, un grand reporter du Ravi « teste » incognito un conseil municipal dans une ville ou un village de notre belle région...

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17h10 Victoire de l’esprit de Michael Kael sur celui d’Albert Londres ? Le grand reporter du Ravi franchit avec une petite dizaine de minutes de retard les portes de la salle des fêtes municipale qui accueille traditionnellement les conseils municipaux de Trets. Une photo officielle de Nicolas Sarkozy y est accrochée pour l’occasion.

17h12 Jean-Claude Féraud, maire UMP de la bourgade du pays d’Aix depuis 2008 (à la troisième tentative), annonce le vote d’une « motion contre la fermeture du centre de sécurité sociale ». Georges Lescoche, un retraité à bouc blanc de l’opposition (PS et PCF), en profite : « C’est la volonté de votre majorité de diminuer les services publics ! » Réaction dans le public : « Hé ouais ! » Jean-Claude Féraud botte en touche : « Je réagis en tant que maire. »

17h15 Longiligne, costard anthracite sur chemise blanche, visage creusé, cheveux gris coupés courts et lunettes discrètes, Jean-Claude est le fils de Jean, maire de 1971 à 1989, cardiologue comme lui (Freud apprécierait), qui a installé la secte japonaise Soka Gakkai sur sa commune. Loïc Fauchon himself, PDG de la Société des eaux de Marseille (Veolia) et président du très idéologique Conseil mondial de l’eau, lui a succédé jusqu’en 1995. Curieusement, la ville a longtemps eu la réputation d’avoir le mètre cube le plus cher du département.

17h29 Depuis une dizaine de minutes, Nathalie Gastaud, leader de l’opposition, une petite brune à cheveux courts et chemisier à fleurs anciennes, adjointe de Loïc Fauchon et première adjointe sous la précédente mandature, tire à boulets rouges sur le programme d’investissement 2011-2014 (délibération 2). Le tutoiement est de rigueur, la voix légèrement chantante. Dans le viseur de la socialiste, un projet de salle des fêtes, un centre de loisirs et la poursuite de la rénovation des remparts. Ses griefs : budgets sous-évalués et choix non prioritaires pour les deux premiers ; visée culturelle trop floue de la troisième. L’opposante se perd parfois en voulant jouer la grande sœur. Jean-Claude Féraud contre, d’une voix calme, mais méchant : « Je me suis rendu compte que certains de vos projets étaient encore dans les cartons à la fin de votre mandat. C’est un choix étriqué, mais qui existe. Le superflu, on s’en passera. » Nathalie Gastaud : « C’est une accusation gratuite, le destin… » Rires dans la majorité : « Ce n’est pas le destin, mais les urnes ! » Sur la rénovation des remparts, le match tourne à l’avantage de l’opposante.

18h38 L’éventail est visiblement l’objet indispensable à Trets : dans la majorité, dans l’opposition et dans le public, on s’évente furieusement.

17h46 « Fixation des tarifs de la restauration et de l’accueil des enfants » (délibération 5). « J’espère qu’on ne va pas discuter longtemps pour 4 centimes d’euro », prévient le maire.

17h51 Délibération 5 encore. L’opposition demande l’évaluation promise par le maire du passage de la restauration scolaire en bio. Selon elle, les enfants n’en sont pas satisfaits : problèmes de goûts et de quantité. Une nouvelle fois, Jean-Claude Féraud esquive : « Dans les kermesses où j’ai été, je ne t’ai pas vue. » Son opposante : « On devait se courir derrière ! » Le maire : « À ce prix-là, les enfants n’ont pas à se plaindre ! » La socialiste : « Ôtez vos lunettes vertes ! » Le débat s’enlise avec l’entrée en lice d’autres élus.

18h00 « On s’abstient et on veut que ce soit inscrit au PV », tonne la leader de l’opposition à propos des « tarifs des colonies de vacances » (délibération 7). Et d’expliquer : « Les enfants partent dans une semaine et on vote les tarifs maintenant. C’est illégal. » Jean-Claude Féraud, penaud : « L’essentiel, c’est que les enfants soient contents. »

18h01 Une première ligne d’avants en tee-shirts de la majorité (catégorie senior) est particulièrement dissipée. Le maire tapote un stylo sur son bureau, soutenu par des « Chut… ! » dans le public. L’absence de sonorisation, décidée par le médecin lui-même pour éviter l’enregistrement des débats, selon son opposition, n’a pas que des avantages…

18h05 Nathalie Gastaud est intenable. Cette fois, elle harcèle la majorité sur « l’exécution du protocole de lutte contre l’habitat indigne » (délibération 8). Comme à son habitude, elle accompagne ses attaques d’une demande de « bilan » et de conseils. Exercice à double tranchant. « Il ne faut pas baisser la garde et proposer d’ici à la fin de l’année une prolongation du protocole », explique la socialiste. Et d’insister : « Je ne crois pas que vous ayez pris contact avec le conseil général… » Jean-Claude Féraud, tout sourire : « On va te déléguer le dossier. » Daniel Oddo, adjoint à l’Urbanisme, chemise noire ouverte sur une chaîne en or, grosse voix avé l’accent : « Cé fé ! » Nathalie Gastaud, curieuse : « Et qu’est-ce qu’on va faire ? » Daniel Oddo, mystérieux et les bras écartés : « Ce qu’on peut ! » Franche poilade de Gilbert Robiglio, premier adjoint en chemisette à carreaux.

18h16 11e et dernière délibération : « Rapport annuel sur le prix et la qualité des services de l’assainissement et de l’eau pour 2010. » Georges Le Gloru, adjoint aux Services techniques à la coupe giscardienne, le seul à porter la cravate, conclut en enlevant ses lunettes : « Depuis 2008, le service d’eau est délégué à la Serc [Suez, Ndlr] (1). J’ai fait faire un audit pour l’améliorer. Il est largement insuffisant. J’ai proposé à monsieur le maire de faire appliquer le contrat. Les délégataires devront s’acquitter de pénalités. » Au minimum 100 000 euros…

18h32 Pour l’opposition, Georges Lescoche achève son analyse des rapports. « En résumé, ils sont fantaisistes, les volumes facturés sont incohérents, les chiffres et ratios sont sujets à caution », tacle l’élu d’opposition. Bras croisés, Georges Le Gloru acquiesce ; Nathalie Gastaud commente : « Il faut se blinder et tout mettre en œuvre pour un retour en régie. » Le public se lasse. « Halala ! Elle est toute seule à avoir raison ? Elle se croit où ?! », peste une retraitée bronzée.

18h36 Une technicienne a ouvert une porte en fond de salle pour se griller une cigarette. Nouvelle rébellion chez les retraités du public : « On voit plus rien ! C’est incroyable cette jeunesse ! Tout ça parce qu’elle fume ! Je te foutrais ça dehors ! » Et de pester : « La porte ! » La « jeunesse » s’exécute pendant que les éventails se remettent à battre l’air.

18h43 Le conseil s’agite sur une tradition locale dénoncée par le délégataire : le branchement clandestin des particuliers sur le réseau d’eau fluviale. Jean-Claude Féraud consulte son portable : « Je montre à Gilbert [Robiglio] un exemple de lettre envoyé par la Serc. » L’opposition faussement outrée : « Le délégataire manque de délicatesse en mettant en exemple la lettre envoyée au premier adjoint ! » Écarlate, l’intéressé, comme le maire, ne relève pas.

18h47 « Une seule question diverse ce soir », annonce Jean-Claude Ferraud. Et de promettre : « Je ne me dérobe pas. » Mais le maire refuse de répondre, tourne autour du pot, il faut plusieurs minutes pour comprendre qu’il s’agit d’un projet de centre médical d’urgence.

18h52 Désintéressés, les élus de la majorité se dirigent les uns après les autres à la table d’émargement. L’opposition, elle, relaie les mécontents d’une nouvelle concurrence financée par la mairie et insiste. Elle soupçonne le maire de vouloir favoriser un de ses collègues…

19h00 Jean-Claude Féraud sort de ses gonds : « Allez, j’arrête la discussion, vous êtes de mauvaise foi ! La séance est levée ! » Le maire aussi « manque de délicatesse ».

Par Jean-François Poupelin

(1) Pendant 25 ans, il l’avait été par la Sem…

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