L’affaire qui cache une montagne d’ordures ?

août 2011
L’enquête des « Déchets 13 » éclipse une autre histoire de poubelles. Condamné pour des soupçons de corruption, le socialiste Bernard Granié attend le délibéré d'un jugement en appel le 7 septembre prochain.

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Une affaire de poubelles peut en cacher une autre. L’enquête du juge Duchaine dite des « Déchets 13 », qui a conduit en détention, depuis le 1er décembre, Alexandre Guérini, le frère de Jean-Noël, président PS du conseil général, fait un peu d’ombre aux mésaventures d’un autre cacique du parti, Bernard Granié, également rattrapé par une histoire peu ragoûtante.

« Il est dans l’œil du cyclone », confie son avocat, le socialiste Michel Pezet. À plus d’un titre. Condamné en janvier 2010 à un an de prison ferme et 100 000 euros d’amende pour corruption passive dans une affaire de poubelles, ce qu’il nie, le président du Syndicat d’agglomérations nouvelles (San) Ouest Provence doit passer son rattrapage en appel, sauf nouveau report, le 11 mai prochain. L’ancien maire de Fos-sur-Mer a été pris dans une enquête de 2005 de feue la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur le secteur des déchets en Paca et Languedoc-Roussillon. Versée au dossier « Déchets 13 », cette enquête a conduit la DGCCRF à soupçonner un vaste système d’entente entre majors du secteur. Comme l’a révélé le Ravi dans son numéro 73, ses auteurs ne constatent rien de moins qu’une « situation de concurrence déficiente […] marquée à la fois par des présomptions d’échanges d’informations entre soumissionnaires pour favoriser l’un d’eux et par la possibilité d’envisager l’hypothèse d’un rééquilibrage des attributions entre eux sur d’autres marchés […]. » Gérard Calvière, le pdg de Provence Recyclage qui a avoué avoir versé 300 000 euros en trois ans à Bernard Granié, est directement visé. Assez pour blanchir le président du San ?

L’entrepreneur n’est cependant pas le seul dans le collimateur de l’ex-DGCCRF. La Société des eaux de Marseille, la fameuse Sem présidée par Loïc Fauchon (1), tient aussi une place de choix dans son enquête. Elle pointe que sur plusieurs appels d’offres de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM) et de la communauté d’agglomérations du Pays d’Aix, deux de ses filiales (Bronzo et Silim) et deux filiales de ses actionnaires de l’époque (Onyx Méditerranée et Sita Sud), Veolia et Suez (2) concourent en même temps (3). Avec des résultats curieux. Exemple d’un petit marché à 555 905 euros HT. « Pour le lot 1 du marché relatif à la collecte des colonnes destinées à réceptionner les déchets recyclables sur le territoire de [MPM], l’entreprise Sita Sud a été déclarée attributaire avec une offre qui devance de manière substantielle les prix de soumission de deux autres candidats, les sociétés Onyx Méditerranée (+ 8,77 %) et Silim Environnement (+ 12 %) », s’étonnent les pandores. Onyx et Silim auraient-elles surévalué leur offre pour laisser la friandise à Sita en contrepartie d’autres marchés ? Avec in fine les mêmes bénéficiaires : la Sem et/ou ses actionnaires ?

Mais il y a encore plus curieux. L’enquête de l’ex-DGCCRF n’a jamais été rendue publique et n’a jamais connu d’autres suites judiciaires que l’affaire Granié…

Jean-François Poupelin

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