Risque nucléaire majeur à Toulon

août 2011
Le conseil régional a adopté une motion, fin avril, réclamant au préfet « de mettre en place une commission locale d’information du port de Toulon [sur les] activités nucléaires et [les] mesures prises pour la réduction du risque et le traitement des déchets radioactifs ». Il était temps ! Depuis des années, le site toulonnais d’info satirique Cuverville tente, dans une grande indifférence, de rompre la loi du silence qui règne sur le sujet.

Toulon est parmi les villes les plus dangereuses de France. Pas au regard de l’insécurité dans les cours d’école (celle qui préoccupe notre gouvernement à tel point que, bientôt, on enverra le GIGN dans les haltes-garderies pour des expéditions punitives). Non, le danger dont il est ici question est bien relatif aux risques majeurs, liés pour l’essentiel à l’activité militaro-industrielle. L’arsenal de Toulon a déjà vu l’explosion de sa poudrière en 1899. Une soixantaine de morts, des blocs de roche retrouvés deux kilomètres plus loin, une déflagration ressentie jusque dans le Haut Var. Cent dix ans plus tard, le site de Lagoubran sert toujours aux activités pyrotechniques et au stockage des armes, il y a juste un peu plus d’habitants alentour.

Toulon, c’est aussi cette ville qui se développa, à l’ouest, dans le lit majeur d’une rivière détournée par Vauban. Depuis 1913, année de sa construction, la vallée du Las est menacée par la rupture du barrage du Revest. Au fil des ans, on y a pourtant installé des établissements scolaires, l’entrée d’une traversée souterraine réputée non inondable, un complexe sportif de 5 000 places et l’intégralité de l’activité nucléaire locale. À ce propos, justement. Il n’y a pas beaucoup de villes en France, et encore moins d’agglomérations de 500 000 habitants, qui peuvent s’enorgueillir d’une activité nucléaire en leur centre. La « piscine » (1), les embarcadères des six sous-marins d’attaque nucléaires (SNA) (2) et celui du Charles de Gaulle (3) sont situés à quelques centaines de mètres de l’hôtel de ville (…).

« On déménage la pyrotechnie et l’activité nucléaire ? »

Ici, quand on veut se faire peur, on pronostique l’initiative d’un terroriste qui pourrait ajuster un tir de roquette vers l’arsenal depuis les pentes du mont Faron : dégâts ciblés pour une émission radioactive maximale. Improbable ? Disons, pas plus improbable que l’appontage d’un parapente sur le porte-avions Clemenceau, pourtant réussi par un militant de Greenpeace en décembre 2005. Mais chut ! Ne donnons pas de mauvaises idées aux vilains mal intentionnés. N’allons pas leur indiquer que la topographie « confidentiel Défense » de l’arsenal est accessible à tout un chacun grâce aux photos satellites de Google maps, par exemple (…).

Oui, Toulon a bien pondu un Dossier d’information communal sur les risques majeurs (Dicrim). Oui, il paraît que pour la gestion des risques, Hubert Falco a un plan. Si en plus, « il connaît ses obligations », c’est génial. Précisons toutefois que l’élaboration du Dicrim est imposée par la loi. Il n’y a donc aucune gloriole à en tirer, surtout quand on poursuit l’urbanisation dans des périmètres de sécurité (un complexe de 5 000 places, celui du palais des sports Jauréguiberry, construit dans la zone de protection nucléaire, inauguré en 2005, c’est pas franchement une baraque à frites !). Concernant l’implication des populations : tout baigne, puisque depuis la mise en service du premier SNA en 1983, Toulon a eu droit à un — UN — exercice engageant les civils (sans interrompre la circulation sur l’autoroute qui traverse la zone parce que tu comprends, ça fait des embouteillages) (…). Pour vraiment organiser « la sécurité et la protection » des Toulonnais, il n’y a pas trente-six solutions : soit on déménage la pyrotechnie et l’activité nucléaire, soit on orchestre l’exode de quelques centaines de milliers de personnes. Entre le fatalisme et les fanfaronnades, il y a un monde. Sur le chapitre des risques majeurs, la pudeur recommanderait à la classe politique toulonnaise de faire profil bas.

Cette tribune est tirée d’un article signé Olivier Vermert en 2009. Retrouvez de nombreuses archives en ligne sur le www.cuverville.org.

Imprimer