Nourriture photovoltaïque

juillet 2010
Les parcs photovoltaïques fleurissent dans les Alpes-de-Haute-Provence. Il y a deux ans, une trentaine était à l’étude, dont le plus grand d’Europe. Révolutions vertes et Grenelles de l’environnement obligent. Problème dans le département : les installations grignotent les dernières terres fertiles. Une histoire de profit, explique Patrice Meynet, pour la Confédération paysanne du 04.

Le paysage qui enchante le vacancier venu retrouver la Nature en Provence a été durement façonné par l’Homme. Ces clairières, ces chemins, ces terrasses, ces haies, ces pierriers sont l’œuvre de dizaines de générations : pas une pierre qui n’ait été déplacée plusieurs fois et souvent par des mains de femmes ou d’enfants.

L’agriculture industrielle (blé dur et céréales, vergers de pommiers ou salades) est venue détruire cet équilibre : le travail de la terre ne répond plus aux nécessités essentielles de l’homme mais veut produire de l’argent. L’environnement (sols, diversité, eau) a été dégradé par des pollutions dangereuses, et singulièrement l’environnement social : la fin des paysans, programmée par des décideurs politiques, a détruit des civilisations dans le monde entier (flux migratoires, bidonvilles). Dans l’alimentation actuelle, il ne reste que des traces de nourriture : le gros du pack, c’est de la chimie, et la santé est donc devenue la préoccupation de nos contemporains.

« L’environnement, ça commence à bien faire ! »

Le système agro-alimentaire n’avait déjà plus pour objectif de nourrir l’homme mais d’engraisser les multinationales en vendant semences, engrais chimiques, pesticides et matériels. Voyez l’histoire des agro-carburants… Continuer dans cette voie est suicidaire. Alors on va faire encore mieux ! En installant des champs de production photovoltaïque, la spéculation supprime le sol. « L’environnement, ça commence à bien faire ! », comme on a pu l’entendre au Salon Agriculture 2010, juste deux années après Grenelle.

La « profession agricole », entendez ceux de la FNSEA, syndicat qui se targue de représenter tous les agriculteurs, appâtée, a commencé par négocier. Pas de parc photovoltaïque sur les terres à haute valeur agronomique. Mais de quoi vivent les paysans de Païsalp, association de petits producteurs fermiers en vente directe de Haute-Provence, sinon des miettes de cette agriculture ? Et le syndicat dit majoritaire se retrouve prêt à « sacrifier » landes et bois… puis le temps aidant et la raison venant, les terres arables, au Progrès et à la Révolution Verte. Tout en se justifiant : comment résister à des propositions aussi alléchantes plutôt que d’élever des chèvres ou des cigales ? « Comment résister à des propositions aussi alléchantes ? »

Les plus grandes entreprises mondiales – pour redorer leur blason – ont inventé des fondations (ONG) pour lutter contre la pauvreté qu’elles ont si bien créée. Elles ne s’interdisent pas d’utiliser les OGM pour cela. Genetic Engineering au service des petits paysans : c’est écrit dans leur texte. Limagrain (FNSEA) « contribue à l’agriculture durable à l’échelle de la planète ». Durable de lapin !

Si les grosses boîtes (banques, assurances par exemple) se lancent dans l’« aventure » photovoltaïque, c’est qu’il y a danger grave. Le paysan, leurré, sera encore une fois le dindon de la farce et ira grossir le peuple éliminé des banlieues.

Paysans, consommateurs, rassurez-vous. Même si les paysans ne vivent plus d’agriculture et de cultures vivrières, oubliant l’essence même de leur fonction, chacun, ouvrant son frigo – vide ! – aura toujours le plaisir immense d’y trouver de la lumière dedans.

Par Patrice Meynet

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