Du « FLI » aux flics, il n’y a qu’un pas
Depuis le 1er janvier, tout étranger souhaitant accéder à la nationalité française par naturalisation ou mariage doit s’exprimer à l’oral comme un élève de troisième et connaître les droits et devoirs du citoyen. C’est ce que Claude Guéant, le ministre de l’Intérieur, nomme le « Français langue d’intégration » (FLI). Avant la loi sur l’immigration du 16 juin 2011, le français était enseigné comme une langue étrangère (FLE) ; désormais il devient une langue d’intégration à une société. En 2010, ils étaient 130 000 a obtenir la nationalité française au niveau national, mais impossible de savoir combien en région Paca ! « Les préfectures ne communiquent pas là-dessus. Même nous, nous l’ignorons », déplore François Nadiras, de la Ligue des Droits de l’Homme à Toulon.
« Le gouvernement semble confondre intégration et assimilation », s’indigne Jean-Pierre Cavalié, délégué régional de la Cimade, association implantée à Marseille, Avignon et Nice et qui aide les migrants dans leur quotidien. Le texte de loi ne s’en cache pas : « Nul ne peut être naturalisé s’il ne justifie de son assimilation à la communauté française » (Art 21 à 24). Plutôt étrange que le gouvernement, à quelques mois de la présidentielle, s’intéresse au niveau de langue des futurs Français alors qu’au même moment il cherche à se débarrasser des étudiants étrangers lettrés et qu’il réduit les subventions des associations. « De nombreuses structures qui donnaient des cours d’alphabétisation et de FLE ont été obligées de fermer par manque de financement alors que les gens sont en demande », s’inquiète Jean-Pierre Cavalié. Désormais, les structures devront être labélisées FLI et les formateurs se substitueront aux agents de préfecture pour décider de l’éligibilité d’un candidat.
Ce nouveau statut inquiète. « Le formateur n’est pas un informateur », proteste le collectif FLE de Marseille sur son site. D’autres signent une tribune sur Mediapart intitulée « FLIC ? Le français, langue d’intégration contrôlée »… Le niveau de langue demandé (B1) fait aussi débat. « Apprendre demande une certaines stabilité de vie alors que beaucoup sont dans des situations précaires », note Jean-Pierre Cavalié. « Et certains n’ont même jamais été scolarisés », rajoute une jeune formatrice de la région.
La marseillaise Sophie Etienne, doctorante en didactologie des langues-cultures a pour sa part choisi d’agir de l’intérieur en participant à la rédaction du Référentiel FLI commandé par le ministre. Perçue comme une « vendue » par certains de ses collègues, elle s’explique : « On me taxe d’extrême droite alors que j’ai participé à la rédaction du référentiel, justement pour éviter que l’Etat n’en fasse n’importe quoi. Ce label va exister, quoi qu’il arrive. Grâce à nos réflexions d’experts les choses ont déjà été revues à la baisse comme le niveau exigé qui était au départ un niveau C2, vous imaginez ! » Un niveau équivalent au langage d’un politicien en campagne cherchant à flatter l’électorat xénophobe ?
Samantha Rouchard